Les Chiliens se préparent à voter pour l’élection la plus importante de leur histoire depuis le retour du Chili à la démocratie. Le pays va devoir élire, entre autres, les membres qui formeront la convention constituante, l’organe chargé de rédiger la nouvelle constitution chilienne. Décryptage.
Les 15 et 16 mai prochains, les Chiliens vont voter pour élire les maires et leurs conseillers, les gouverneurs de régions ainsi que les membres de la convention constituante. Un week-end électoral majeur dans l’histoire du pays et une élection se détache des autres, celle pour désigner les 155 personnes qui constitueront la convention constituante. Plus de 1 300 candidatures ont été déposées pour ce scrutin. S’y présentent, des gens de la société civile, des indépendants, mais aussi des militants affiliés à des partis politiques. Les futurs élus seront chargés d'écrire la nouvelle constitution chilienne. Ils disposeront d’à peine un an pour se faire. Le texte sera ensuite soumis à un référendum l’année prochaine, et si le "oui" l’emporte, le Chili abandonnera alors définitivement la constitution actuelle héritée de la dictature d’Augusto Pinochet.
Une constitution paritaire et qui intègre les peuples indigènes
La convention constituante sera à moitié composée de femmes et à moitié composée d’hommes. Le Chili devient ainsi le premier pays au monde à rédiger sa constitution de manière totalement égalitaire entre les femmes et les hommes. Cette parité est l’un des plus grands succès du mouvement féministe chilien, qui n’a eu de cesse de la réclamer lors du mouvement social de 2019.
Les peuples indigènes prendront également part à la rédaction du nouveau texte. Sur les 155 sièges, 17 seront réservés aux différents peuples Mapuche, Aymara, Rapanui, Quechua, Diaguita, Atacameño, Colla, Kawesqar, Yagán et Chango. Ils représentent près de 13 % de la population du pays.
Pourquoi le Chili réécrit-il sa constitution ?
En octobre 2019 a éclaté la plus importante crise sociale qu’ait connue le pays depuis le retour de la démocratie en 1990. À l’origine, c’est l’augmentation du prix du ticket de métro qui a fait sortir les étudiants dans la rue pour protester. Mais très rapidement, les revendications du peuple chilien se sont étendues à de nombreux autres domaines. Ils demandent, entre autres, la fin du système de retraite par capitalisation, l’amélioration de la santé publique, délaissée au profit d’un système de soins privé, la fin des inégalités dans l’éducation, ou encore la reconnaissance de "l’eau" comme étant un bien public, gratuit, et accessible à tous… La privatisation généralisée des secteurs de la santé, de l’éducation ou encore des retraites, est garantie par la constitution actuelle écrite par une minorité d'individus, sous le régime de la dictature dans les années 1980. C’est pour cela que les Chiliens exigent aujourd’hui que cette constitution soit abandonnée, au profit d’un texte plus moderne, qui réponde aux enjeux contemporains du pays, et écrit par le peuple.
En quoi consistent les trois autres scrutins de l'élection de ce week-end ?
En plus du vote pour choisir les membres de la convention constituante, les Chiliens vont devoir élire les maires et conseillers des 346 communes du pays, ainsi que les gouverneurs qui les représentent en régions. Ce dernier scrutin est nouveau lui aussi, puisqu’auparavant, c’était le président de la République qui était chargé de nommer les gouverneurs régionaux. Pour cette élection, c’est dans la Région Métropolitaine que la bataille sera la plus rude puisque le territoire abrite à lui seul 8 millions d’habitants, sur une population totale de 18 millions de personnes.
L'ombre d'une forte abstention plane sur le scrutin
Au référendum du mois d’octobre 2020, "pour" ou "contre" une nouvelle constitution, le "pour" l’avait très largement remporté avec près de 80 % des voix. Le vote avait également été marqué par l’importante mobilisation des Chiliens, plus de 50 % d’entre eux étaient allés voter. Mais cette année, en raison de la complexité du scrutin – 16 730 candidats se présentent pour les 4 élections – et de la pandémie, les analystes redoutent une forte abstention. Mais ils observent tout de même que les personnes âgées – la frange électorale la plus mobilisée en général – ont aujourd’hui presque toutes reçues les deux doses du vaccin contre le coronavirus. Et presque la moitié de la population du pays a été vaccinée avec au moins une dose. Enfin, pour éviter au maximum le brassage de population, l’élection se fera sur deux jours, chose inédite en Amérique Latine.